mercredi 29 mai 2013

YELLOW TOWEL: Donner du corps

par Hakim Bah                     

Dana dit :
« Avec la voix, je ressens moins le besoin du support de la musique, je suis mon propre accompagnement. D'ailleurs, je vis aussi beaucoup plus en silence dans le quotidien. Le silence me donne de l’espace pour réfléchir et me poser »



Cela on le reçoit à plein yeux avant même de franchir la porte pour entrer dans la salle. La petite salle du Monumemt-National. Que la petite salle du Monumemt-National nous engloutisse. Non. Qu’on se laisse engloutir (voilà plutôt) par la petite salle du Monumemt-National
Voilà. Voilà. Voilà. Je suis averti. On est averti.

On a pas besoin de lire et même si on lit de comprendre tout de suite ce qu’elle veut dire veut nous dire.
On rentre dans la salle et on se laisse engloutir.
Par le vide de la salle.
Par le silence.
Par le court silence.

Et puis. Et puis. Et puis.
Le vide le silence se laisse envahir.
Par le corps.
Par le son.
Par le son qui naît du corps.
Par la voix.
Par la voix qui naît du corps.
Le vide le silence se charge petit à petit de quelque chose et cesse d’être vide cesse d’être silence. Du moins, on ne sent plus le vide on ne sent plus le silence du petit instant de vide de silence avant les hostilités.
Pas de panique.
Pas panique.
Pas panique.
C’est que le début du spectacle. Ou disons tout simplement encore le début des hostilités. Du corps sur lui-même. Du corps sur la voix. La voix sur le corps ou dans le corps.

Tout peut commencer. D'ailleurs, tout a déjà commencé.
Le temps que ça prendra on ira jusqu’au bout si jamais y’a un bout. Jusqu’à la fin si jamais y’a une fin.
Espérons.
Et puis. Et puis. Et puis.
Même s’il y a pas de bout pas de fin on se laissera transporter par l’infini qui commence. Mettons-nous d’accord.
Bon. Bon. Bon.
On oublie le temps et on se traîner s’envahir par le corps qui. Doucement. Lentement. Avance. Avance quand même. Avance.
Le son qui s’allume du corps.
Après tout. Tout vient du corps naît du corps et finit par s’étouffer.
Comme la vie.
Le cycle de la vie.
On naît. On vit. On meurt ou on crève.
C’est simple tout simple paraît simple si simple tout simple pourtant ce n’est pas simple pas tout simple.
Pas de panique.
Ça sera tout simple.
Faut juste se laisser emporter par le monde qui naît du corps.
Maintenant on peut.
Se laisser crever les tympans par la fièvre du son qui monte monte monte pour devenir parole.
Se laisser crever les mirettes par le corps poubelle, qui essaye ou pas de se libérer de sa prison.
À quoi ça sert de gaspiller des salives si on sait d’avance qu’on ne sera pas entendu.
Mais justement qu’est-ce qu’on perd aussi de gaspiller des salives même si on sait qu’on ne sera pas entendu.
Après tout. Les salives c’est les salives. Les salives on n’en aura toujours. Alors. Dire pour le plaisir de dire. Même si au passage on n’en gaspille des litres de salives. S’en foutre et dire. Tout simplement.
Cracher son mal sa douleur juste pour le plaisir.
Pas de panique.
Je pose un peu. Recommence par le commencement.
Mais peut-être pas exactement. Parce que l’important ce n’est pas de dire tout. Se mettre à tout dire.
Mais de dire ce qui se donne à dire. Tout simplement. De façon ordonnée ou désordonnée.

 Dana dit :
«Après avoir évité soigneusement d’aborder le fait d’être noire dans mes œuvres, j’ai foncé dans le sujet à partir des stéréotypes de la culture noire qui me sont venus spontanément à l’esprit : melon d’eau, poulet frite, black face, etc. »

Un corps noir englouti dans du noir qui s’engloutit dans du blanc dans un espace blanc.
On pense à une quête identitaire. Plutôt une revendication.
Mais pas du tout. Tout de suite cette idée est balayée ou disons tout simplement détournée par le corps. Le travail du corps pour donner corps.  Les souffrances. Les douleurs. Les tortures. Les…

À partir de là, on se défait de cette idée de couleur. On s’enfonce dans du plus fond. Le corps qui donne corps : La naissance.

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